Prière

Eiris fut réceptive au chant qui venait de retentir. Elle avait ce quelque chose de captivant et d’angoissant à la fois, elle n’aurait su dire mais ça avait eu un effet terrible sur elle-même. Comme un transport dans une autre réalité l’espace d’un instant, l’abstraction totale du monde qui l’entoure, ce qui pouvait s’avérer dangereux en l’occurrence…

Et ce le fut. Quand elle émergea de ce songe éveillé, elle croisa le regard du loup qui avait maintenant son attention rivé sur elle. Elle aurait frémit si toutefois elle en était capable. Ses griffes se plantaient un peu plus dans le bois de la branche sur laquelle elle reposait. Elle aurait du avoir peur peut-être, car le danger grandissait à vue d’œil.

Pourtant, et elle n’aurait su l’expliquer elle-même, elle se sentie envahie d’un sentiment étrange, et surtout étranger à elle-même et son caractère d’origine.

L’instinct…On peut dire ça comme ça. Eiris ne répondant à aucune prévention, à aucune notion de sécurité, lacha prise de la branche et piqua dans les airs en direction de la terre, toutes griffes dehors. Comme si son intention du moment était une seule chose : ce n’était même plus de la défense, c’était de l’attaque, pure et dure.

Son regard n’exprimait plus rien, si toutefois cela était possible. Etait-elle consciente de ce qu’elle faisait ? Certainement pas, rien n’était moins sûr que cela. Elle qui d’ordinaire était si gentille, à la limite niaise. Et si petite… Sa transformation en l’occurrence faisait presque peur.

Tout autre chouette aussi insignifiante qu’elle aurait probablement prit la fuite à cet instant, elle avait l’avantage de dominer les airs… Mais non. Il fallait croire que ce n’était pas dans sa nature de reculer devant le danger. Ou alors…

Ce chant, étrange, envoûtant, aurait-il eu plus d’effet sur elle que sur n’importe quel autre ? C’était possible. Que sans en avoir le but, ce chant aurait comme…hypnotisé la chouette. Rendue au simple état de pantin.

Un pantin, oui, mais plus dangereux qu’une simple marionnette. Ses griffes acérées et recourbées étaient incroyablement pointues et menaçantes. On n’aurait jamais pu imaginer qu’en étant si jeune, elle pouvait à ce point paraître dangereuse. Non, ce n’était pas elle-même, c’était une évidence.

Pour couronner le tout et rajouter encore plus à son caractère effrayant, Eiris poussa un cri, un hululement strident comme on n’imagine pas qu’elle puisse en pousser. Et la voilà, elle était bientôt sur sa « proie », sans une once de pitié.

Bien installé dans le terrier, le museau posé sur ses deux pattes avant, Cal jeta un regard en biais vers son compagnon d’infortune, et s’il l’avait pu, il aurait arqué un sourcil perplexe, devant la subite transformation de son nouvel ami. Encore que… transformation était peut-être un terme un peu exagéré Après tout, peut-être avait-il rêvé… Lui qui n’était jamais sûr de rien, se demandait soudain si son compagnon n’avait pas été un peu plus petit, à peine quelques minutes plus tôt… Oui, c’était possible après tout. Le petit renard pencha la tête sur le côté, comme pour examiner un peu mieux Kaano, sans trouver de réponse tout à fait certaine, à son questionnement silencieux…

Et puis de toute façon, ses pensées furent dérivées aussi rapidement vers les paroles du louveteau, qui avaient quelque chose d’intrigant, et de fascinant tout à la fois. Peut-être que ce n’était pas la première fois que Cal s’était aventuré à parler librement de son humaine à d’autres esprits. Mais nul doute que c’était bien la première fois que quelqu’un lui répondait à ce point… Les mots de Kaano plongèrent le petit renard dans la plus profonde perplexité… Le silence se fit un instant entre eux, jusqu’à ce que le renardeau murmure de sa voix douce :

- Oui… mais quand on n’a jamais approché du feu… On craint qu’il nous brûle. Mais on ignore qu’il réchauffe…

Ses propres paroles semblèrent étonner Cal, qui cligna des yeux, comme s’il se demandait qui venait de parler. Son museau frémit légèrement, et il tourna la tête dans la même direction que Kaano, alors que le petit louveteau répondait à sa question au sujet d’Eiris. Une réponse qui ne finit pas, d’ailleurs…

Le petit renard redressa subitement la tête lors de cet étrange chant qui sembla emplir l’atmosphère lui-même. Son souffle s’altéra, jusqu’à disparaître, et dans son regard d’émeraude glissa une lueur brillante, de panique pure. L’inconnu effrayait… Et cette chose, ce phénomène… lui faisait plus peur encore. Son pelage se hérissa progressivement, comme une sorte de vague qui enfle avant la tempête, et l’air autour de lui sembla devenir électrique.

L’adrénaline, peut-être… ou simplement l’instinct animal. Celui du danger… Cal ignorait tout de ce qu’il se passait réellement. Mais l’intuition était plus forte que tout le reste… Un mauvais pressentiment. Un battement de cœur en trop. Quelque chose se passait. De très très grave… Quelque chose qui le dépassait complètement.

Il ne réagit pas immédiatement lorsque Kaano prit la décision d’aller chercher Eiris, bondissant hors du terrier, tout aussi inquiet que lui. Les yeux doux du petit renard fixèrent les crocs luisants de son compagnon, et son museau frémit de plus belle. Il se demanda un court instant si son corps allait bien vouloir obéir à sa volonté de suivre le louveteau… A sa grande surprise, ce ne fut même pas lui qui en décida. Il se sentit bondir sur ses pattes et sortir du terrier à pas de velours, les babines retroussées, mélangeant dans son attitude celle d’une proie, et d’un prédateur.

Ce chant ne lui disait rien qui vaille… Kaano avait raison. Leur amie était peut-être en grand danger… Peut-être même qu’il y avait bien d’autres esprits, en grand danger sur ce monde. Quelque chose lui disait que tout allait changer. Et cette idée lui fit peur… Il ne pouvait pas sauver tout le monde. Alors il pensa à Elle…

Elle n’avait pas eu peur, Elle… Elle lui avait dit que la peur ne servait à rien. Cela l’empêchait d’avancer… et de faire tout ce qu’il voulait. Ce qu’il voulait, c’était retrouver Eiris, maintenant. Alors il ne devait pas avoir peur, s’il voulait la sauver. C’était tout simple, en fait… Tout devenait si simple, quand il pensait à Elle. Cal eut presque une ébauche de sourire, et redressa la tête, percevant le hululement strident de la chouette, un peu plus loin. Sans plus attendre, il bondit dans cette direction, en criant à Kaano :

- Vite, elle est par ici ! Fais attention à toi !

Parce que le petit renard n’avait pas oublié que son compagnon était blessé. Il ne pourrait donc pas le suivre à la même vitesse. Il espérait donc que Kaano ne perdrait pas sa trace, et ne se retrouverait pas seul, lui aussi. Le pire serait d’être à présent séparés, dans un tel moment. Mais Cal ne pouvait pas ralentir. Il avait entendu le cri d’Eiris… et cela lui avait parut encore plus inquiétant.

Le petit renard stoppa net sa course, à bout de souffle, pour se trouver pétrifié par le spectacle qu’il découvrit… Celui d’une petite chouette, toutes serres dehors, qui plongeait en piqué vers un loup étrangement brillant. Irréel… Qu’était-ce donc que cette créature ? Cal ne chercha pas à le comprendre… Il s’entendit crier soudain :

- Eiris !!! Attention !

Et le renardeau, sans plus réfléchir, bondit sur l’adversaire de la petite chouette, pour lui asséner un violent coup de griffe sur le museau, rouler ensuite sur le côté et se redresser, sur la défensive, tous crocs dehors…

Kaano demeura silencieux. Il n'avait pas tort, Cal, de dire cela. Mais ce n'était pas à lui qu'il fallait en parler, c'était à Kanaw. Et... Kanaw n'écouterait pas aussi facilement ce genre de choses. Au contraire, il effacerait ces paroles d'un geste de la main, et ferait mine de ne jamais les avoir entendues. Le louvard regrettait une telle situation, mais il ne pouvait pas non plus se permettre de trop faire la leçon à son Humain. Tout simplement parce que son Humain ne lui faisait pas la leçon, lui. Parce qu'il le laissait se débrouiller... ou parce qu'il ne s'inquiétait jamais pour lui ? Kaano se demanda soudainement si Kanaw était aussi occupé par l'idée de son Totem, que ce-dernier pensait à lui. Et, peut-être qu'il n'aurait jamais de réponse.

A force de réfléchir, il avait laissé Cal partir devant. Il se retrouvait seul dans la nuit, seul dans les ombres, et cela n'était pas spécialement rassurant. Au contraire, cela aurait pu devenir sincèrement effrayant, s'il n'était pas un animal de la nuit. Mais Kaano était un louvard plutôt courageux, et n'avait pas peur de ce chant... enfin, il essayait de ne pas avoir peur de cette musique qui n'était pas normale. Belle, magnifique, mais pas normale. Alors, d'un côté, il se demanda pourquoi il la rejetait. Il se demandait pourquoi il ne pouvait pas tout simplement l'accepter, et passer à autre chose. Retourner se cacher avec Cal, par exemple.

Non. Parce qu'Eiris avait poussé un cri surprenant, et qu'elle était peut-être en danger. Et il commença à courir, à sa vitesse, gêné par la blessure qu'il avait au cou. Il aurait tout donné pour profiter de sa rapidité habituelle, tout donné pour pouvoir fondre dans les ombres, et arriver à temps. Mais il souffrait, et parvint même à s'arrêter un peu, pendant sa course.

Quand il arriva, la première chose qu'il se dit, c'était que c'était trop tard. Eiris faisait souffrir un loup, qui avait les crocs de Cal dans le cou. Kaano gémit légèrement, fit un pas en arrière, le museau baissé. Il n'aimait pas cela.

Il pensait à son Humain, qui se trompait, qui réglait les choses dans le sang, alors qu'il aurait préféré que personne ne souffre. Voilà, faire disparaître la douleur du monde, des Mondes, cela aurait fait tellement de bien à Kaano, qu'il versa une larme en voyant ses amis ainsi. Il ne les reconnaissait plus, il ne voulait plus les reconnaître. Pourquoi faisaient-ils du mal à ce loup, qui semblait vieux, même s'il brillait d'une lueur incroyable ? Pourquoi ?

D'ailleurs, cette lueur, Kanaw lui en avait parlé, c'était celle du monstre qu'il avait combattu. Très bien. Sauf que le louvard avait ses opinions, ses désirs, ses envies. Et qu'il n'allait pas agir comme les autres.

-Arrêtez, je vous en prie, arrêtez !

Il hérissa les poils de sa fourrure pleine de terre, et de sang.

-Arrêtez, je ne veux pas que les gens souffrent ! Je ne veux pas voir des blessés pour rien !

Le loup sembla arrêter de se défendre, il avait l'air surpris de ce que faisait le louvard. Il saignait, et son sang était chaud, très chaud... sans être pour autant brûlant.

-Je vous en prie...

Le loup bondit sur le louvard, avec une puissance surprenante, l'écrasant à terre sous son poids, dans un bruit sourd de craquement... et fuit dans la forêt et dans les ténèbres...

[

Yuzkad]

Winter pénétra dans la forêt sans crier gare (ni train d'ailleurs... XD) et, bondissant entre les divers obstacles, avançait rapidement au travers de celle-ci lorsque d'un coup il fut heurté par une masse de fourrure.
Ledia du probablement s'accrocher car le choc fut rude mais Winter, au vu de sa taille et de son poids, n'avait pas vraiment dévié de sa trajectoire et c'était simplement retrouvé stoppé.
Ce n'était pas le cas du loup qui venait de le heurter avec violence, il semblait déboussolé comme s'il avait prit un arbre sur la tête et avait été propulsé un peu plus loin.
Seulement en sentant une telle attaque Winter ne put pas s'empêcher de bondir sur son agresseur et de le prendre par la peau du coup entre ses crocs acérés, il n'avait pas le temps de régler ça de suite mais comptait bien se battre à la régulière contre se faquin.
Il reprit son cheminement plus lentement, à cause de son fardeau qui se débattait et qui se retrouvait légèrement maculé de sang lorsque Winter resserrait sa mâchoire dans un avertissement.
Mais lorsqu'il tomba sur le louvard il s'arrêta brusquement et laissa béer sa gueule complètement ébahis.
Ce qui permis au loup de s'extirper de son emprisonnement et de se poster non loin d'eux dans une posture agressive.

Eiris avait juste eu le temps de venir griffer la tête du Loup par ses serres que Cal surgissait, tous crocs dehors, pour s’attaquer à lui aussi. Déjà là, elle fut touchée par un changement brusque de comportement.

C’était étrange… Est-ce que le renardeau avait surgit, lui aussi, par instinct, pour attaquer un potentiel ennemi, ou pour la défendre elle, si petite chouette qui n’avait que de maigres chances de réussite face à un loup ?

Elle aimait à penser que c’était la deuxième solution la bonne et dès lors, elle s’éloigna d’un coup d’ailes du Loup. Probablement pour mieux revenir… Mais Kaano arriva alors, et se plaint de leur violence.

Pour la peine, la chouette ne savait plus comment agir, ni comment penser… Se sentant coupable d’avoir fléchi face à ses pulsions animales, elle n’osa qu’à peine relever le regard vers le louveteau.

Elle qui avait été le secourir alors qu’il avait été violenté, voilà qu’elle s’était attaquée à un animal qui n’avait rien de menaçant. Si sa seule erreur était d’avoir regardé Eiris avec trop d’intérêt, elle ne pouvait pas s’emporter ainsi pour un détail.

Elle ne dit mot alors, et tomba des nues en voyant le Loup, sans raison, sauter sur Kaano et l’écrasant sous sa chute. Choquée, et très en colère au final, la chouette ne se fit pas prier pour se lancer à toute vitesse à la poursuite du Loup, laissant Cal s’occuper de Kaano.

Trop de sentiments contradictoires pour un petit cœur… Sa gentillesse la sommait d’arrêter les frais et pourtant, ce besoin de vengeance, ce besoin de répondre à un instinct primaire semblait devancer sa si maigre volonté.

Elle avait alors presque rejoint le Loup quand celui-ci se heurta à Winter avec violence. Bien fait ! Se dit-elle… Car l’état du Loup en disait long sur l’impact qu’il venait de subir. Néanmoins, quand il se remit en posture agressive, Eiris, dont la colère était plus forte que jamais, s’exclama :

-Comment as-tu osé ainsi attaquer celui qui te défendait ?! N’as-tu donc aucun respect ?! Je n’ai plus de raison de me sentir coupable, désormais, de te faire payer pour ta violence ! Je le savais que tu étais étrange, mon instinct me l’avait dit !

Et, sans plus attendre, la petite chouette fonça sur sa proie comme un aigle sur la sienne, et arrivée à hauteur du visage du Loup, elle lui asséna un violent coup de serre, de manière à lui faire une ouverture.

Le petit renard sembla recevoir une décharge électrique en entendant le cri de Kaano, qui le fit momentanément revenir à une réalité qui le caractérisait d’avantage. Il cligna de ses grands yeux verts, perdu, et abaissa aussitôt sa garde, les pattes se fléchissant légèrement, comme s’il était désormais prêt à se laisser couvrir sous terre, honteux. Son museau toucha presque le sol, et il n’osait plus bouger, comme tétanisé de sa propre réaction violente. Il ne l’avait pas fait exprès… Il avait juste eu peur. Même pas pour lui… Pour la petite chouette qu’il avait vu filer tout droit vers ce loup qui brillait d’une lueur effrayante.

Pourtant, il avait fait quelque chose de mal… Oh oui, il le sentait dans la voix de Kaano, qui se teintait d’incompréhension. Il ne l’avait vraiment pas fait exprès… Il ne savait même pas ce qui s’était passé. Un instant il avait entendu ce chant. Il avait eu terriblement peur. Peur de l’inconnu. Peur de ce qu’il ne comprenait pas. Et quelques instants plus tard, il avait entendu Kaano lui supplier d’arrêter. Il n’avait jamais voulu faire souffrir quiconque… Mais Eiris… et puis ce loup si brillant… ses crocs…

Comme un enfant coupable, Cal redressa très très lentement la tête, avec milles précautions, comme s’il redoutait encore des remontrances qu’il se faisait déjà à lui-même, intérieurement… Et là, il vit le loup, ce loup profondément dérangeant, qui sauta sur le louveteau, sans laisser à quiconque le temps de réagir. Puis s’éloigner dans la forêt.

Le renard laissa échapper un cri inarticulé, en sursautant violemment. La confusion n’en devenait que plus totale… Et maintenant, que fallait-il faire ? Ce loup n’était pas gentil… Il venait de faire du mal à son ami. Son ami qui avait été le plus sage de tous…

Une lueur de colère brilla un instant dans les yeux du petit renard, mais cette fois-ci, l’instinct et la rage ne prirent pas le dessus. Ce fut l’inquiétude, qui l’emporta toute entière. En un seul bond agile, Cal fut auprès de Kaano. Il redressa la tête vers le ciel juste à temps pour voir la chouette s’élancer dans la direction qu’avait prise l’étrange loup. Le renard voulut la retenir, pris d’un mauvais pressentiment tenace… mais il n’émit aucun son avant qu’Eiris ne disparaisse de sa vue. Son museau frémit… il n’était pas si loin, ce loup… il pouvait encore le sentir. Mais pas tout seul. Il y avait une autre présence, indistincte… Encore quelqu’un pour blesser ses amis ?

Le petit renard ne voulut pas se poser cette question, même si son inquiétude croissait de minutes en minutes, pour Eiris, petite chouette partie seule combattre un loup qui semblait surnaturel… Cal repoussa sa peur viscérale, et se pencha vers Kaano, pour lui donner quelques coups de museau affectifs, en lui murmurant de sa voix douce :

- Kaano… Kaano ?… Ca va, dis ?… Il t’a fait très mal ?… Je… je ne sais pas ce que j’ai fait… Je ne voulais pas tu sais… J’ai eu très peur… Dis, ça va ?

Ses yeux d’émeraude semblèrent presque scintiller dans le noir, tandis qu’il regardait le corps du petit louveteau, comme pour s’assurer qu’il n’en manquait pas un morceau, et qu’il n’était pas plus amoché qu’il ne l’était auparavant. Cal avait entendu un sinistre craquement lorsque le loup avait plaqué Kaano au sol. Et il n’aimait pas ça du tout.

Puis il redressa la tête dans la direction qu’avaient empruntée le loup et Eiris, inspirant profondément, son souffle tremblant semblable à une sorte de grondement effrayé.

- Eiris… Elle était très fâchée… Elle est partie par là, elle va se mettre en danger… Il faut pas qu’elle lui fasse de mal. Il faut juste qu’elle le laisse s’en aller… Je vais aller lui dire, Kaano… Mais d’abord je veux que tu me dises que ça va… Je ne te laisse pas tout seul, non.

Le petit renard secoua la tête, grondant encore. L’Esprit était brusquement écartelé entre deux inquiétudes tout à fait similaire… Celle pour le louveteau blessé, dont il voulait à tout prix prendre soin, et celle pour la petite chouette courageuse qu’il fallait secourir très vite. Et puis, il y avait cette autre présence, qu’il n’arrivait pas à distinguer… Tout cela était effrayant.

Le loup n'était pas très heureux de s'être fait attraper. Au contraire, vu sa position de défense, il aurait voulu s'échapper, tout simplement, et fuir bien loin d'ici. Loin de ces trois fous. Du tigre, surtout, qui était un danger constant. Il n'avait pas confiance en ce genre de bête, malheureusement, surtout quand celles-ci lui écharpaient la peau du dos.

Et puis, il eut le malheur de trop regarder le tigre, ce qui lui valu un mauvais coup de la part de la chouette. Une griffure au niveau de son museau saignait un sang bleu pâle, peu engageant, un peu plus chaud qu'il ne devrait l'être.

-Tu as vu son sang ?

La moustique, sur le dos du tigre, semblait un peu mal à l'aise. Déjà parce que la course lui avait un peu froissé les ailes dans le vent, ensuite parce qu'elle savait bien reconnaître quelque chose d'anormal, et là, en effet, c'était loin d'être normal de voir un loup qui saignait du sang blanc... enfin bleu pâle... peu importait, c'était pas normal, voilà.

Le loup, lui, fixait la petite chouette avec un désintérêt total. Ca ne devait pas être un jeune loup, non, au contraire, il avait l'air d'avoir quelques années de batailles derrière lui. Mais cel ne faisait pas de lui un adversaire facile, au contraire, ces temps d'expériences ancrés sur son museau et sur pelage se montraient totalement insolents avec ceux qui, pourtant, au premier regard avaient l'avantage sur lui.

-Laissez-moi partir, je ne vous ferai aucun mal.

Sa voix, froide, coupante comme une griffe, retentit comme s'il ne leur donnait pas le choix. Il voulait probablement fuir... ou profiter d'un peu trop de confiance de leur part pour leur faire ce qu'il avait fait à Kaano. D'ailleurs, volontairement ou non, il s'était bien gardé de répondre à ce que le petit volatile lui disait. Comme s'il n'en avait rien à faire...

Kaano ressentait une vive douleur dans la totalité de son corps, comme si elle se propageait, comme une vague qui happait tout sur son passage. Et, peut-être que oui, cette douleur le prenait tout entier, pour ne rien laisser derrière elle. Il avait l'impression que son corps s'était tordu sous le choc, et qu'il n'arrêtait plus de frémir. Bon, ce n'était pas si faux, puisque, la preuve, il tremblait comme une feuille rougie par le temps, avant de tomber d'un arbre.

Et il s'accrochait avec le même désespoir que cette feuille à tout ce qu'il avait. Il ne devait pas continuer à rester allongé, ni à souffrir, il devait faire quelque chose, quelque chose de puissant, d'extraordinaire, quelque chose qui lui permettrait de reprendre la route dans les bois avec ses deux amis. Tant pis si l'autre loup l'avait blessé, il ne lui en voulait pas. Kaano n'était pas du genre à s'arrêter sur une idée de vengeance, ni à vouloir la douleur. Les seuls êtres qu'il tuait, c'était pour son repas. Son Humain, lui, aurait tant haït qu'il aurait donné la mort, mais non, il ne le ferait pas. Il serait le petit Kaano, le grand Kaano, plutôt, qui n'aimait pas le sang.

Il sentit, au bout de sa douleur, quelques petits coups de museau sur son pelage. Il ouvrit un oeil, puis l'autre, se rendant compte que des larmes lui brouillaient la vue. Le moindre geste était terriblement douloureux. Et ce n'était pas cela qui aiderait le louvard à se redresser, et à marcher.

Dans ce liquide qui troublait sa vue, pourtant, il reconnut son ami Cal. Son ami Cal, qui avait l'air très inquiet... du moins, il le devinait. Et puis il le comprenait. Le louvard ne fit pas un geste, juste un sourire qui se voulait rassurant, mais voilà, déjà les loups ne souriaient pas toujours de manière rassurante, mais en plus il y avait ce mal qui l'empêchait de faire une expression bien convaincante. Le petit loup cessa rapidement de sourire, il se rendait compte qu'il devait plus avoir l'air d'une bête blessée que quelqu'un qui se sentait bien.

-Va aider Eiris, je vous attends là.

Bon, d'un autre côté, il ne se voyait pas se lever, donc il pourrait très bien attendre, ce n'était pas un problème. Et dans le cas où la douleur l'emporterait, et bien... et bien ce n'était pas plus mal de demander à protéger Eiris. Elle avait plus besoin d'aide que lui.

Le louvard laissa échapper un soupir, qui fit voleter deux trois plante devant son museau. Un soupir pour se rendre compte s'il pouvait vraiment, ou non, les rejoindre. Et vu le retour de ce mal qui le rongeait, il serait plus utile immobile. Il se dit, dans une idée un peu ridicule, qu'il devait avoir l'air pitoyable, là, le pelage plein de terre, et allongé, mais cette pensée fut rapidement chassée : ce n'était pas le moment de s'inquiéter de ce genre de choses.

D'un regard il s'enquit de ce que faisait son ami. Il fallait aider Eiris, il fallait la protéger, elle, parce que le loup était très fort. Pour lui, Kaano, on ne pouvait pas faire grand chose. Ce serait bête de trop s’occuper de lui, alors qu’il y avait encore la petite chouette en danger. Il l’aimait bien, la petite chouette, et il se refusait de la savoir blessée à cause de lui, tout ça parce que Cal se serait plus inquiété de sa santé.

Alors, il ferma les yeux, pour demeurer seul avec cette douleur qui, de toutes manières, l’empêchait de se reposer réellement, et occupait rapidement tout son esprit… oui, comme ces vagues qui prenaient possession du rivage, ces vagues qu’il aurait aimé voir, lui aussi, même si elle ne valaient probablement pas la forêt, et tous ses bruits et ses odeurs.

[HRP : je me permets de poster sans que ce soit techniquement à mon tour, puisque les esprits étant séparés, mon message ne devrait pas trop perturber vos réponse.]

Si Cal avait pu pâlir, une chose était désormais certaine : son pelage aurait très certainement viré à la couleur la plus pure et la plus immaculée qui soit. Il ne savait pas ce qu’il se passait… ni ce dont souffrait son ami, étendu là juste à ses pieds. Il était perdu. Incapable d’agir, ou de réagir… Juste capable de trembler et de gémir doucement, comme en espérant qu’un miracle viendrait lui apporter la bonne réponse. Que pouvait-il faire ? Eiris était partie combattre le loup… Il avait très peur pour elle, oui… Et Kaano venait de lui dire de la rejoindre. De la sauver… Alors c’était ce qu’il fallait faire ?

Non, non… Cal n’arrivait pas à se décider, et son inquiétude, non, sa terreur, le faisait trembler de tous ses membres… Il entendait encore l’horrible bruit de craquement. Et Kaano, là, qui ne bougeait plus d’un pouce… peut-être ne le pouvait-il plus ? Il avait mal… oh oui, très mal. Le petit renard n’avait pas besoin de le lui demander pour en être convaincu. C’était l’odeur de la douleur… de la douleur pure qui se dégageait du louveteau. Une odeur qui faisait battre le cœur du renard plus vite. Et qu’allait-il se passer, s’il ne pouvait rien faire pour aider Kaano ? Et Eiris ? Et… et…

Cal aurait voulut crier, tant sa confusion était grande. Jamais auparavant il ne s’était retrouvé confronté à un tel choix. Plusieurs personnes avaient besoin de lui… Et lui, ne pouvait pas les aider toutes les deux… et ne savait même pas quoi faire. Il se sentit encore plus petit… bien plus petit et ridicule qu’à l’ordinaire. Inutile… Si inutile qu’une larme glacée s’échappa de son œil d’émeraude et glissa le long de son museau, pour retomber et se perdre dans le pelage du louveteau.

La voix de Kaano ne lui disait rien qui vaille… Non, rien du tout. Le petit renard ressentit un frisson lui parcourir l’échine, puis ses pattes avant plier sous son poids, comme s’il ne parvenait plus à se tenir debout, tant il démêlait ses sentiments, et ce qu’il convenait de faire… Il se laissa retomber aux côtés de Kaano, et versa encore une larme, en relevant la tête pour fixer l’endroit où Eiris était partie, disparue… Reviendrait-elle ? Il le fallait… Mais lui, ne pouvait pas… non, décidément, il savait ce qu’il devait faire : il ne pouvait pas laisser Kaano seul dans cet état, quand bien même il ne pourrait rien faire pour calmer sa douleur…

Eleanora saurait… Oh, peut-être qu’elle saurait comment s’y prendre pour sauver tout le monde… Elle sait toujours… Mais elle n’était pas là, bien sûr. Et il ne pouvait pas lui parler… Il ne devait s’en prendre qu’à lui-même. Son cœur battait fortement contre ses côtes, qu’il ressentait presque comme une douleur physique… S’il l’avait pu, il aurait pris aussitôt le mal de Kaano lui-même… Pour ne plus voir la souffrance dans les yeux du louveteau.

Son souffle tremblant fit voler les feuilles au sol, d’une manière qui rappela fortement le soupir du louveteau quelques instants plus tôt, puis il murmura, après un grondement rauque qui manifesta une fois de plus le déchirement à l’idée d’avoir à faire un choix pareil :

- Non… Je l’ai dit, Kaano… Je ne te laisse pas tout seul… Pas maintenant… Je veux t’aider…

Oui, mais il ne savait pas comment s’y prendre… Il ignorait ce qu’il arrivait vraiment au louveteau. Il savait juste que son ami était dans l’incapacité de bouger… C’était grave… Oui, c’était peut-être très grave. Et si Kaano ne pouvait pas faire un mouvement, il fallait quelqu’un pour le défendre. Ne surtout pas le laisser seul en pleine forêt… C’était bien trop dangereux ! Comme c’était infiniment dangereux de laisser Eiris affronter un loup, aussi étrange soit-il, seule…

Alors le petit renard sursauta, redressa la tête, et dans un instinct qui le dépassa, se mit à hurler à l’attention de la petite chouette, d’une voix presque suppliante :

- Eiris !!! Reviens ! Reviens s’il te plaît ! Kaano va très mal, il faut qu’on l’aide, maintenant !… Laisse le loup s’en aller, il ne nous fera pas de mal s’il s’en va ! Viens vite !

Il ne savait pas très bien s’il voulait plus persuader la chouette de revenir, ou surtout obtenir de l’aide… que quelqu’un lui dise quoi faire… peut-être qu’Eiris saurait, elle. Les muscles tendus, Cal approcha son museau de Kaano, pour le renifler gentiment… Pour lui donner un peu de chaleur peut-être, de soutien… Lui montrer qu’il n’était pas tout seul. Ou peut-être aussi pour se donner l’illusion de faire quelque chose. D’être utile…

- Dis-moi… Dis-moi si je peux t’aider, s’il te plaît…

Non, il ne pouvait certainement pas… Il le savait après tout. Et cela lui faisait affreusement mal… Pas de savoir qu’il était inutile… mais plutôt de savoir qu’il ne pouvait pas aider son ami. Pensée insupportable, qui lui donnait envie de hurler… Eleanora lui avait souvent dit ce qu’elle éprouvait, quand elle lui disait qu’elle ne servait à rien… que personne ne s’accorderait un jour à dire qu’elle était utile. Qu’elle existait pour quelque chose… était-ce ce qu’il ressentait maintenant ? Il n’arrivait pas à en être sûr… Mais si c’était le cas, alors son Humaine devait souffrir tellement…

Et Kaano plus encore… il le sentait. Et il n’y avait rien à y faire… Rien d’autre que se tenir prêt à le défendre, et le renifler doucement, pour l’assurer de sa présence…

Winter fut ramené à la réalité par la chouette hululante qui venait de foncer sur le loup qui, maintenant qu'il faisait attention, n'avait pas l'air d'une bestiole normale. Enfin il ne fit attention ni à ça, ni à la pauvre Ledia sur son dos, ni aux menaces ridicules du loup.
Il n'avait pas le choix, c'était maintenant que le combat à la "loyale" devait se dérouler sinon ce couard de loup allait décamper alors il rugit faisant résonner l'air autour de lui et braquant ses yeux étrangement bleus animé d'une passion enflammée.

Ah tu veux te battre? Je suis ton adversaire un point c'est tout. Ne compte même pas fuir tu répondra de ce que tu m'a fait!

Comme si il l'avait insulté gravement ou quoi? Mais non il l'avait juste bousculé bon évidemment il aurait pu s'excuser ou faire semblant de regretter, mais ce n'était pas non plus une raison valable de s'acharner sur la bestiole, il n'avait en fait strictement rien à faire du fait qu'il n'avait vraiment pas la même motivation que pouvait avoir Eiris.
Donc il banda ses muscles et se jeta sur son adversaire préparé à pivoter si celui-ci frappait avant que le tigre n'atteigne la bonne distance pour un violent coup de patte sur le museau de ce loup prétentieux.

[HRP : aucune idée de si on attend Sarah, mais je voudrais sincèrement terminer cette histoire, alors go, hop hop hop ! ]

Détaché des crocs du tigre, le loup sentait que son gros adversaire se montrait de plus en plus agressif. Il n'y avait rien de bon dans cette histoire, absolument rien. Surtout parce que le tigre blanc était bien plus gros et plus puissant que lui... en apparence.

Sur ses gardes, il avait l'air prêt à frapper, lui aussi. Et quand son adversaire chargea, il montra des crocs, et se jeta sur le côté pour essayer de se défendre. Sauf que le tigre avait prévu qu'il se passe quelque chose comme cela. Et, le solat se retrouva avec le museau en sang. Un sang brûlant, certes, et un regard de dément, mais cela ne l'empêchait pas de souffrir.

-Vous n'avez aucun honneur. Je demande grâce et vous m'ignorez ?

Oh, là, il n'était pas content. Il bondit sur son adversaire, gueule ouverte, plongeant ses crocs dans une pattes de Winter... mais sa défense fut fortement affaiblie par cette attaque, et même si il mordait de toutes ses forces, il avait déjà perdu toute chance d'avoir l'avantage...

Dilemme moral… Bientôt, la petite chouette entendait la voix suppliante de Cal la rappeler vers eux. La confusion, incroyable et inconnue jusque-là, tenaillait la petite chouette aux ailes vibrantes, au regard vif, et pourtant, tellement perdu…

La maîtrise de son propre corps lui avait échappé sans même qu’elle ne puisse faire quoi que ce soit. Et le pire… C’est qu’elle n’avait même pas voulu se contrôler. Ce n’était plus seulement la confusion, mais la peur, la peur d’elle-même, de sa réaction ou plutôt, de sa soumission face à ses instincts naturels…

Elle n’avait jamais connu ça. Elle n’avait d’autre motivation pour attaquer le Loup que la vengeance. Et c’était indigne, indigne de tous, indigne d’elle-même. Elle qui, jusque-là, n’avait jamais fait de mal à personne… Est-ce que la découverte d’êtres chers provoquait indubitablement le devoir de les venger ? Le devoir de se battre pour eux ?

Sans véritablement s’en rendre compte, une fois de plus, Eiris s’était éloignée du combat. Elle ne regardait plus que d’un regard fuyant les coups portés par Winter et par le Loup… Que pouvait-elle y faire ? Si petite, si insignifiante, si faible… Même face à elle, elle ne faisait pas le poids.

Rongée par un sentiment nouveau, de culpabilité, de malaise, la petite chouette avait néanmoins trouvé la force de suivre sa propre volonté : retourner auprès de Cal et Kaano dont l’état critique la ramena brutalement à la réalité : elle n’avait pas su défendre son ami. Elle était partie se battre après, certes, et pourquoi ? Pour rien, car quoi qu’elle aurait pu faire au Loup, cela n’aurait pas changé que Kaano était blessé. Gravement.

Sans un mot dire, elle vint auprès d’eux, regardant Kaano, avec un air de désolation pesant. Il fallait trouver de l’aide. Elle ne saurait pas le soigner. Mais au vu de l’heure, trouver un médecin relevait du défi !

-Je… Si vous voulez, je peux voler le plus vite possible pour trouver de l’aide ! Qu’en penses-tu, Cal ? Il faut faire vite, il est si mal en point… Quand j’ai rencontré Kaano pour la première fois, il était fort blessé aussi, j’ai demandé à des amis aigles et autres oiseaux de m’aider à le transporter jusqu’à la ville la plus proche pour le faire voir un médecin. Je pense qu’on a tout intérêt à retourner là-bas. Même si c’est dangereux avec les soldats, on a pas le choix, et le médecin acceptera de le soigner, je pense…

[HRP: Voilà désolée du retard... C'est un peu baclé j'avoue mais ça devrait débloquer un peu!]

Kaano demeurait silencieux, posé là, sur le sol. Il avait du mal à savoir ce qu'il se passait autour de lui, et il sentait essentiellement la douleur, sa douleur, qui se propageait, seule, immense, dans son dos. Cette douleur qui ne lui permettait pas de réellement sentir quoique ce soit d'autre, qui lui torturait l’échine, dangereuse, effroyable, et qui faisait de lui une pauvre bête sans défense.

Il ne faisait plus attention à rien. Plus attention aux autres Esprits autour de lui, alors que cette chose, là, l'inquiétude, il ne l'appréciait pas, à son habitude. Si Kaano s'était senti un peu mieux que cela, il leur aurait fait la réflexion d'arrêter de penser à lui comme cela. Seulement Kaano avait mal, et il ne savait pas s'il allait s'en sortir. Lui qui s'était fait des amis, lui qui avait trouvé une belle raison à sa vie - oui, après tout, il allait sauver son monde, sauver plein d'êtres qui entraient dans une période de terreur - , il voyait tout cela perdre son sens, tout cela ne plus exister, et s'évaporer, subitement.

Le louvard avait peur. Il s'en voulait, même, puisque son inconscience provoquait probablement bien des dangers pour son premier ami, pour son frère d'âme, pour celui qui était loin, très loin, et qui devait souffrir avec lui. Il ne voulait pas qu'il meure en même temps que lui, et pourtant, cela risquait fort d'arriver. Ils allaient mourir tous les deux. Ils souffraient déjà ensemble. Et, tous deux se demandaient quel était le but de tout cela, pourquoi ils avaient agi avec tant de détermination, pour en arriver là.

Il ferma les yeux. Il ne trouvait pas de réponse à cette question, il ne savait pas quoi faire, finalement, il ne savait pas vers qui tourner ses pensées. Kaano avait cette sensation que sa vie venait seulement de commencer, qu'il avait encore bien des choses à apprendre. Et en deux fois, le même jour, il avait failli mourir, il avait failli perdre la vie. Le monde était bien dur avec lui.

Sa respiration se calma. Peut-être avait-il, au final, tout intérêt à se laisser mourir. Il pourrait toujours expliquer ce qu'il s'était passé à son Humain plus tard, il pourrait toujours lui dire comment il avait voulu éviter la violence, et comment elle lui avait fondu dessus, implacable, pour manquer de peu de le tuer. on, pas pour manquer : pour le tuer sous sa force.

La vie avait été bien courte, aux yeux du petit loup. Il aurait tant voulu apprendre à mieux connaître ses compagnons d'infortune. Il soupira, laissant quelques brins d'herbes au niveau de son museau se tordre sous son souffle. Et il sombra dans l'inconscience.

Le moins que l'on pouvait dire, c'était que Cal semblait ressentir une douleur toute aussi forte que celle de son compagnon, allongé à côté de lui. Mais celle de Kaano était d'autant plus vive qu'elle touchait son corps lui-même, tandis que le petit renard souffrait du coeur... Il n'arrivait plus à formuler deux pensées cohérentes, l'une à la suite de l'autre. Tout s'entrechoquait, se repoussait... Ses yeux étaient si flous. Il ne fallait pas... Il devait rester sur ses gardes. Se relever, protéger le petit loup sans défense... Il n'y arrivait pas. Alors c'est qu'il était bien inutile, oui... Même pas capable de venir en aide aux êtres avec qui il s'était lié... Qu'était-il donc, s'il ne pouvait servir à personne ? Qu'était-il donc, s'il n'avait pour but que de rester là, à observer la souffrance tordre les traits de son ami ?

Il le sentait partir. Indéniablement... Inexorablement... Si lentement que le souffle du renardeau s'amenuisait peu à peu. Il pensa à Eleanora... C'était à elle qu'il fallait demander de l'aide. Elle qui savait tout... l'aiderait-elle ? Voudrait-elle sauver Kaano ? Il ne savait plus... Elle était à la fois si proche, et si lointaine de lui... Il avait l'étrange sensation que sa terreur pour le petit loup venait de doubler soudainement... De tripler, même. C'était presque physique. Comme un froid soudain, différent, qui s'abattit autour de lui. Il comprit... C'était elle... C'était Eleanora. C'était si rare, ces moments où les pensées de la jeune femme et les siennes fusionnaient en une seule... Pourtant c'était ainsi. Elle avait peur... Eleanora avait peur. Elle était effrayée. Peut-être autant que lui. Cal sentait cogner leurs battements de coeur accélérés, au même rythme... Pour qui donc s'inquiétait-elle ? Y avait-il un lien avec cette douleur qu'il ressentait lui-même pour son ami ?

Il aurait voulu qu'elle fasse quelque chose... Elle ne le pouvait. Lui, ne le pouvait pas non plus... Il pouvait juste se serrer doucement contre Kaano, lui offrir un peu de chaleur, un peu de ce réconfort, si misérable pourtant face à sa peine... Il aurait voulu lui arracher cette douleur. La prendre avec lui, la piétiner, l'anéantir... Et il savait qu'Eleanora ressentait exactement la même chose. C'était tenter d'attraper un nuage, ou de l'eau entre ses pattes... C'était impossible.

Et puis Eiris revint alors, apportant un peu de lumière autour du petit renard éperdu. Cal redressa la tête vers elle, la dévisageant comme s'il la regardait pour la première fois, ses larmes ruisselant le long de son museau, semblables à de minuscules diamants à l'état liquide. Il entendit ce qu'elle dit, et l'espoir naquit à nouveau, plus vif, plus fort... Peut-être parce qu'il était inattendu. Oui... parfaitement. Ils allaient sauver Kaano. Ils n'avaient pas le choix. C'était ce qu'il devait faire. Le louveteau n'avait pas le droit de mourir. C'était interdit, de mourir...

Au moment précis où Cal formulait cette pensée enfantine, le petit loup soupira soudainement... et le renard vit avec horreur les muscles de Kaano se relâcher lentement, signe qu'il venait de perdre connaissance. Ou pire... Les grands yeux innocents du petit renard s'agrandirent et s'affolèrent. Il bondit sur ses pattes, et répondit aussitôt à Eiris, bafouillant, tellement il essayait de parler vite, pressé par le temps :

- Oui, oui... Il faut... Il faut faire ça. Très vite... Je... Il va très mal... Je sens l'odeur de la douleur, tout autour de lui... Il s'est évanoui... Il faut... oui... Il faut aller chercher de l'aide... Sauve-le Eiris... Ramène tes amis... Amenons-le jusqu'au médecin... Je ne sais pas... quoi faire d'autre pour le sauver... Il faut faire vite. Sinon il va...

Cal ferma les yeux, et refusa de terminer sa phrase. L'inquiétude déforma son museau en un petit rictus peu engageant, qui faisait luire ses crocs dans la semi-obscurité des lieux. Mais le regard d'émeraude qu'il posa sur Eiris était si profond, et si plein d'espoir et de supplique, qu'il transforma le renard terrorisé en un enfant appelant à l'aide. Même pas pour lui... Pour son ami.

Un court instant, son regard glissa vers l'endroit où le loup qui avait fait si mal à Kaano s'était enfui... Il aurait pu être rempli de rage, lui aussi. Mais la violence de son inquiétude l'emportait sur tout le reste, si bien qu'il se contenta de grogner légèrement, et, tout tremblant, revint se poster doucement aux côtés de Kaano, en ajoutant d'un ton bien plus assuré, presque féroce :

- Va, Eiris... Vole du plus vite que tu peux ! Moi je vais rester là... On ne peut pas le déplacer à nous deux... Alors je le protégerai du mieux que je peux, jusqu'à ton retour... J'ai confiance en toi.

Les yeux du renard brillèrent d'un nouvel éclat, tandis qu'ils les posaient une fois de plus en direction de la petite chouette... qui avait le destin de Kaano suspendu jusqu'au bout de ses ailes... Cal le savait. Il savait que l'un comme l'autre, avaient à présent un rôle à jouer... Le seul qui soit digne d'intérêt. Protéger leur ami... et faire en sorte qu'il soit soigné, sauvé. Le plus vite possible.

"Aucun honneur"? Que fallait-il penser d'un loup qui clame cela et se jette sur son adversaire sauvagement alors? Winter lui ne pensait strictement plus rien de toute façon, la chaire de sa patte meurtrie le faisait tellement souffrir -oui il a la peau sensible xD- que dans un accès de rage il tira sur celle-ci amenant son assaillant face à son autre patte. Il sortit ses griffes et plongea la patte dans le muscle entre la patte arrière et le ventre du loup le harponnant pour le maintenir à portée et ouvrit sa gueule pour engouffrer la gorge maintenant découverte de la source de ses souffrances, fermant inexorablement ses mâchoires et lui broyant la nuque dans un bruit d'éclats d'os et une mince giclée de sang qu'il savourait délicieusement -étant carnivore- avant de s'apercevoir de l'étrange chaleur de celui-ci et de son gout horrible il cracha donc sans lâcher sa prise.
Une fois complètement mort il mâcha encore deux trois fois pour être bien sûr que le cadavre refroidissait puis d'un mouvement de tête ample envoya voler celui-ci un peu plus loin dans la forêt, presque hors de vue.
Ensuite il regarda autour de lui tout étonné, quoi? Que c'était-il passé?
Il n'y avait pas des gens là? Juste un peu auparavant?
Puis il les repéra enfin un peu plus loin et s'approcha lentement en clopinant sur trois pattes et se rappelant soudainement qu'il avait quelqu'un sur le dos.
Et s'excusa auprès de Ledia... La pauvre avait du subir les échos du combats.

Ah... Je suis désolé de tout ce remue ménage! Vous me parliez chère amie?

Une fois arrivée juste à côté du louvard, du renard et de la chouette il vit directement ce qu'il se passait et pris les choses en main. avec une autorité dont il ne semblait pas conscient.

Ah! Un blessé! Il faut vite le porter aux soins sinon il risque de trépasser!
Je vais le transporter! Montrez-moi le chemin, il n'y a pas de temps à perdre mes amis, nous avons une quête à remplir et nous trépasserons plutôt que de laisser ce petit être mourir dans d'atroces souffrances!

Etranges répliques d'un tigre ayant broyé la nuque d'un loup alors qu'il lui était juste rentré dedans, si vraies pourtant au vu de la situation réelle dont il était inconscient, ne sachant pas que le petit loup c'était fait agresser il se comportait avec son emportement habituel sans prévenir qui que ce soit.
Soulevant avec délicatesse Kaano dans ses crocs comme il l'aurait fait avec un petit de sa portée il avançait déjà dans une direction qui ne devait pas être la bonne.

Alors qu'elle s'apprétait à prendre son envol pour alerter les siens, le tigre arriva et proposa son aide. Cela ne pouvait pas mieux tomber, se dit-elle, étant donné qu'au vu de sa taille, il aurait beaucoup plus de facilité à transporter Kaano et ce, dans de meilleures conditions que par les oiseaux.

Si elle n'avait pas été aussi stressée et énervée, elle aurait pris le temps le temps de le remercier décemment mais hélas elle n'avait pas la tête à ça. Elle n'avait plus la tête à rien, à dire vrai. Elle ne perdit pas une seconde. Ils ne pouvaient pas se le permettre, de toute façon.

-Suivez-moi, hulula-t-elle à l'intention du tigre. Je vais vous indiquer le chemin à travers la forêt, pour rejoindre le village où je connais quelqu'un qui pourra le soigner!

Et sans dire un mot de plus, sans même laisser le temps aux autres de répondre quelque chose, la petite chouette était déjà dans les airs et, à une vitesse impressionnante pour un être de si petite taille, elle s'enfonça dans les feuillages sombres de la forêt, en indiquant par un hululement régulier sa présence pour que les animaux se guident à sa voix et aux battements de ses ailes.

La nuit était noire. Parfaitement noire. Quelques étoiles, les rares qui n'étaient pas voilées par les nuages sombres, rayonnaient de leur éclat immaculé dans le ciel. Le vent semblait murmurer, une voix douce et pourtant si froide, si perçante, un murmure qui ressemblait à l'annonce fatale d'un désastre qui se préparait.

Eiris pleurait. La petite chouette si sujette aux émotions, beaucoup plus qu'elle ne pouvait l'imaginer en tout cas, sentit une larme couler du coin de son oeil jusqu'à son bec, pour disparaître dans l'obscurité. Tout cela, c'était trop pour elle. Trop d'un coup. Elle découvrait à peine les joies de l'amitié qu'elle devait déjà déplorer la condamnation d'un être cher.

Peut-être avait-elle eu une mauvaise idée en se lançant à son aide. Ce pauvre petit louveteau... Non, non, elle avait bien fait. Elle n'aurait pas pu, de toute façon, le laisser ainsi pour mort. Il n'avait rien fait qui méritait un traitement aussi lamentable. Aussi injuste...

Plus elle s'enfonçait dans la forêt, plus le temps lui sembler ralentir, s'éterniser. Probablement parce qu'elle sentait la contrainte oppresser son coeur... Si elle ne guidait pas ses amis à temps, Kaano y laisserait plus que quelques gouttes de sang...

Plus elle y pensait, et plus la petite chouette se sentait parcourue de terribles frissons, à en perdre quelques plumes. Elle alla alors encore plus vite si cela était possible, et bientôt elle arriva enfin à la sortie de cette maudite forêt.

-Dépechez-vous!

Dira-t-elle bientôt au petit groupe qui suivait derrière.

-Mais faites attention, il est probable que Kaano et moi soyons recherchés, et les gens risquent de nous reconnaître, donc surtout n'éveillez pas l'attention!

Puis, elle se remit en route, voletant jusqu'à une maison d'où s'échappait malgré l'heure tardive une légère fumée blanche. Quelques coups de becs à la porte de bois, et on vint ouvrir. Sans attendre et sans poser aucune question, des animaux prirent en charge Kaano, le portant sur une table préalablement débarassée des divers objets qui pouvaient être présents.